• Les camps, aux limites de l'humanité

     

    Dans les camps tout manque, ou presque. On y dort à la belle étoile, dans des conditions d’hygiène lamentables, sur le sable, sur les galets, ou à même la terre. On creuse des trous pour dormir à l’abri du vent et pour être réchauffé par la terre. On dort au milieu des valises, des cartons et des habits, dans un désordre indescriptible. Les migrants sont habillés avec des haillons. La tramontane, violente et glaciale en cette saison, rend le séjour épouvantable pour les réfugiés, souvent malades ou blessés, toujours affaiblis par les longues marches des jours précédents. La nourriture manque à tel point qu’on se dispute les miches de pain distribuées parcimonieusement par l’armée, qu’on mange les chevaux avec lesquels on a fait le voyage, qu’on mange tout ce qui nous tombe sous la main (épluchures de patates, rats, souris, mulots, chiens…) et on est même conduit involontairement au cannibalisme.

    Les réfugiés doivent construire parfois eux-mêmes leurs camps, de l’installation des barbelés à la construction des maisons. Ils construisent leurs abris avec ce qu’ils peuvent trouver (vieilles planches de bois, clous rouillés…). Elles sont construites essentiellement en bois car ils n’ont pas de ciment ni de briques ni de pierres. Les gendarmes qui surveillaient les camps de réfugiés les nommaient « camps de concentration ». Bien sûr, ce nom n’avait pas la même signification que ceux de 1942 à 1945. Dans certains camps les gendarmes se livraient à des actes abominables : ils violaient les femmes, battaient à mort les réfugiés, leur urinaient dessus, se moquaient d’eux, volaient leurs vivres…

    Les réfugiés étaient traités comme des animaux, des bêtes de foire. Les habitants aux alentours venaient voir ces zoos humains.

     

    Depuis 1938, le gouvernement français avait prévu la construction d’un camp de réfugiés. En effet, en avril 1938, des endroits sont sélectionnés pour construire d’éventuels camps pour accueillir des réfugiés espagnols en cas de rupture du front Catalogne. Le ministre de la guerre informe les commandants des 16èmes et 17èmes régions militaires, par une note classée secrète, d'une potentielle installation de ces camps. En mai 1938, quatre sites sont sélectionnés, dont Argelès-sur-mer.

    Le camp d’Argelès-sur-mer est érigé en février 1939 sur le littoral Méditerranéen. Il s’étale sur 65 hectares. Il est d’abord constitué de tentes et d’abris de fortune, les pensionnaires dorment dehors. Rapidement, des bâtiments en dur sont construits, suivant un plan régulier. Le camp est prévu pour une capacité de 14 000 personnes. Les réfugiés sont au nombre de 43 000 en avril 1939. 220 000 réfugiés se trouvent en transit dans ce camp durant la période d’ouverture, dont 110 000 entre février et juin 1939. C’est le plus grand camp de la Retirada en nombre de pensionnaire.

    Le camp d’Argelès-sur-mer joue un rôle central dans le dispositif d’accueil des réfugiés espagnols. En effet, il accueille une grande partie des soldats, quelques femmes et enfants ainsi que des membres de brigades internationales. Ce sont principalement des soldats et des hommes en âge de combattre qui sont pensionnés dans ce camp. Les femmes, les enfants, les vieillards et les blessés sont rapidement évacués des Pyrénées Orientales.

     

    Par Bastien et Gaspard

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